Le Prophète (P. et S. sur lui) l'avait aimée d'un amour profond, sincère et fidèle. C'est la femme qu'il avait connue dans des circonstances particulières. C'est elle qui l'avait mis à l'examen en mettant à l'épreuve sa loyauté et son sérieux avant de le demander carrément en mariage et lui ouvrir les portes de sa richesse et de sa tendresse.

 

La main divine

Pour le Prophète, qui entamait sa vingt cinquième année, ce fut une opportunité à saisir, lui,

qui était élevé sous la protection de son grand-père Abd El Moutaleb, puis son oncle paternel, Abou Taleb, qui avait pris la succession de la Mecque. Jusque là, tout allait bien pour lui malgré la perte très tôt de ses deux parents puisqu'il était l'enfant gâté, estimé et respecté en vivant au sommet de la dynastie koraïchite. De plus, il avait acquis une réputation solide d'homme honnête et sérieux. Tout allait chambouler plus tard au commencement de la Révélation par ses propres cousins dont le plus redoutable fut Abou Djahl.

 

En attendant ces jours difficiles, la main divine l'avait orienté vers Khadidja, veuve de quarante ans, mais ayant héritée une richesse qu'elle avait acquise par héritage et dans le commerce. Elle avait profité au même titre que nombre de mecquois de l'aubaine procurée par la victoire providentielle sur l'armée d'Abraha qui voulait détruire la Kaâba, vestige d'Abraham. Ce roi yéménite d'origine abyssine voyait en la montée de la Mecque une concurrence de sa capitale installée au Yémen et dont l'empire s'étendait jusqu'en Afrique. La Mecque assurait le transit de la grande caravane vers les pays du Cham, l'actuel moyen Orient. Après la retraite de son armée détruite par une nuée d'oiseaux envoyée par Dieu pour sauver sa maison, la Mecque avait connu une expansion jusque là inconnue et sa renommée s'était étendue dans toute la région sous la conduite tenez-vous bien du grand père du futur Prophète qui naquit cette année-là, coïncidence divine, en étant un porte bonheur pour la Mecque et la région.

 

Koraïch, la cité bénie

Plus tard, Dieu révéla une sourate Koraïch pour les inviter à adorer Dieu et quitter leurs fausses divinités en leur rappelant que cette place acquise était en vérité due à cette baraka et à la bonté divine en les assurant de la sécurité des biens et des personnes, deux éléments essentiels dans tout

développement.

 

Dans sourate El Kassas, Dieu interpella également les koraïchites qui craignaient de perdre leur rang et leur commerce si jamais ils venaient à entrer dans la nouvelle religion, que d'abord ils devaient leur puissance et leur prospérité à la présence millénaire de la Maison de Dieu, la Kaaba, qui attiraient les gens et les richesses de partout.

 

En effet grâce au retour de la paix et la stabilité, la Mecque était devenue une grande foire par où transitaient les grandes caravanes d'été vers le Nord jusqu'à Damas et les villes littorales de l'actuel Liban et la Palestine et d'hiver vers le Sud au Yémen, pays doux et tempéré et porte du commerce vers l'Afrique, l'Inde et la route des épices. En moins d'une quarantaine d'années seulement, des familles qui étaient dans l'oubli émergeaient en devenant riches et en prétendant à des titres de noblesse. La culture, la musique, la danse et la poésie avait retrouvé un grand élan avec le développement de grands marchés dont souk Oukadh et la prolifération de clubs littéraires et culturels.

 

Des poètes de renommée

Des poètes de grande renommée aux aspects lyriques et chevaleresques comme Antar et Oumrouou El Kaïs apparurent sur la scène. Sur le plan commercial, la Mecque comptait ses nouveaux riches dont Ibn El Moughira, Abi Djahl, Abou Sofiane, Abi Bakr, Othmane, la noble Khadidja. Les trois derniers rallièrent rapidement le futur prophète contrairement aux autres. La cité engendrera également des grands guerriers et stratèges jamais égalés comme les futurs Hamza, le seigneur des combattants, Ali, savant et guerrier, Khaled, l'épée d'Allah, et Omar le justicier.

 

C'est sous le règne de ce dernier que les puissantes armées perses et romaines, réputées invincibles, avaient été anéanties par cette surprenante armée de croyants venue soudainement du désert et bouleversant tout sur son passage. Avec la venue de l'Islam, les gens sages avaient intégrés dès les premières heures, le rang du Prophète (P. et S. sur lui) en mettant à sa disposition leurs biens et leurs hommes dont les derniers cités. Les autres obnubilés par leur succès matériel jouèrent la carte païenne jusqu'au bout comme Abi Djahl, battu et tué misérablement à la bataille de Badr pour sauvegarder leur rang et leurs richesses.

 

Les riches

Plus chanceux, Abi Sofiane, poussé par la farouche Hind, sa femme, avait tenu jusqu'à la dernière minute avant de se rendre à l'évidence avec l'ouverture de la Mecque. N'oublions pas que Abi Sofiance et Hind avait quand même donné à l'Islam un certain Mouaouïa et sa sœur Oum Habiba, future épouse du Prophète (P. et S. sur lui) qui lui survécut pendant plus de 50 ans. Le rôle discret de cette dame courageuse et intrépide est énorme. Figurez-vous, elle fut parmi les premières dames émigrées en Ethiopie en soutenant le Prophète contre l'avis de son père. Fort de ce lien et du ralliement de compagnons célèbres, Mouaouia, connu pour sa diplomatie et sa ruse, tel père, tel fils, fonda la puissante dynastie Omeyade qui règnera un siècle et demi et faisant porter le flambeau de l'Islam aux confins du monde jusqu'en France à l'ouest, en Inde, en Chine et Indonésie à l'est, dans les profondeurs de l'Afrique et dans le nord jusqu'en Russie.

 

 Ce rappel nous renseigne mieux sur la compréhension de la situation de la riche et noble Khadidja qui faisait partie de cette nouvelle nomenklatura, pur produit de l'ère post-abrahique. Mais elle faisait partie des sages ayant gardé leurs pieds sur terre. Le rapprochement avec le jeune Mohamed était naturel et logique et s'était réalisé grâce à la main divine. Le Tout Puissant avait voulu le faire profiter de la richesse de la Mecque rendue possible grâce à Dieu seul par ce rapprochement qui s'était terminé par le mariage entre le futur Prophète et Khadidja. Le mariage avait engendré une progéniture nombreuse et saine dont l'adorable et douce Fatma Zohra par qui tout le bien arrivera en préservant le sang prophétique et en le répandant dans le monde entier.   

 

 


 

Khadija, l'épouse providentielle- deux 

Le berger honnête

 

 

Les historiens rapportent que Khadija bint Khouwaïlid qui appartenait aux banou Assad Ibn Abd Al-Ouzza Ibn Qassï et qui voyait sa fortune s'accroître, étaient à la recherche d'un homme de confiance pour diriger son négoce en accompagnant la grande caravane d'été au pays du Cham. Son attention fut fixée sur le jeune Mohamed de par le rang social qu'il occupait et surtout de sa loyauté. Il avait acquis une solide réputation de garçon sage et honnête. Toute la Mecque l'appelait "el amine". Certes il était orphelin, mais il vivait, ne l'oublions pas, sous le toit de son oncle paternel et grand chef de la famille régnante à la Mecque, Abou Taleb, respecté par tous les dignitaires. Il assurait le gardiennage de son troupeau de façon qui avait étonné son entourage. Il était un berger pas comme les autres en donnant pleine satisfaction à son oncle. Naturel, il était el amine. Sa place était enviée par tous les jeunes de son âge, qui, eux, s'adonnaient aux plaisirs de la vie parfois de façon excessive.

 

Un jeune homme complet qui gardait les pieds sur terre

Il pouvait tout se permettre, notamment dans une cité vivante, ouverte et prospère. Ce n'était pas son cas en vivant humblement et en gardant les pieds sur terre. Il  donnait la meilleure image dans le comportement et la conduite. L'homme était certes réservé, mais il savait parler, communiquer et convaincre. Sur le plan de présentation, il cachait une grande beauté et un charme discret exceptionnel et angélique. Sur le plan physique, il avait une corpulence d'homme complet. Qui mieux que lui, la riche, belle, sage et noble Khadidja pouvait choisir pour lui confiance la mission de diriger sa fortune. Son choix, ô combien délicat, fut naturellement et à juste titre porté sur le jeune Mohamed qui accepta volontiers cette confiance.   

 

Le jeune commis effectua le voyage avec un autre serviteur de Khadija, Maïssara. La mission fut un succès en réalisant de grands bénéfices pour Khadjdja qui craignait beaucoup pour ses biens. Au retour, elle fut comblée et décida de récompenser fortement Mohamed pour le travail accompli. L'homme attira davantage l'intérêt de cette dame courageuse qui ne put se retenir pour lui proposer le mariage.

 

Certains exégètes laissent penser que Khadidja étaient en position de force avec sa fortune et que le jeune Mohamed, berger de profession chez son oncle, en position de faiblesse et de demandeur. En somme, un marchandage de raison. C'est complètement faux. Ce n'est ni à l'honneur de Khadidja, ni celui du futur et dernier des prophètes.  Comme nous l'expliquions plus haut, Mohamed n'était plus l'orphelin dénudé et abandonné. L'homme était devenu grand. Il était certes berger, mais pas n'importe quel berger.

 

La baraqua du jeune berger

Le jeune Mohamed avait redonné au métier de berger son sens de noblesse comme dans les écritures bibliques et plus en renversant l'idée du berger accumulateur de toutes les bêtises: absence se sérieux, conduite immorale, ignorance, plus proche des bêtes que des hommes dans le sens civisme et bonne éducation. Aussi rares étaient les bergers qui réussissaient surtout s'ils étaient employés ou des esclaves. Dans ces conditions, le manque d'entretien et de suivi pour leur alimentation et leur breuvage, leur repos et les pertes par le vol et les attaques des bêtes sauvages dont le loup et le lion, fréquents dans le désert arabique, étaient choses courantes et se traduisaient par un amoindrissement du troupeau et attiraient la méfiance des propriétaires et éleveurs. Le berger Mohamed assurait sa mission dans la correction en étant constamment mobilisé et éveillé. Son oncle pouvait dormir sur les deux oreilles. Le sérieux paya en plus de la présence divine.

 

 La baraqa ne tarda pas à se manifester. Son oncle était comblé et toute la Mecque en parlait de ce berger exemplaire en le qualifiant d'honnête. Devenu Prophète, il évoquera ce passage de sa vie en disant "chaque prophète avant moi avait exercé ce métier en gardant et élevant les bêtes".

 

Les prophètes bergers

Le prophète Ibrahim (S. soit sur lui) par exemple avait un troupeau de vaches et de moutons en s'occupant convenablement d'eux. Il sacrifiait les meilleurs vœux et les meilleurs moutons. Dans sourate Edhariate, il offrit à ses étranges visiteurs qui n'étaient autres que des anges en compagnie de Gabriel (Salut de Dieu sur lui) déguisés en hommes, un veau gras bien portant et bien cuit. Cela renseigne sur son sérieux dans le travail. Ses visiteurs s'excusèrent de ne pouvoir manger, mais apprécièrent son geste d'hospitalité. Moïse (Salut soit sur lui), le sincère, gardait le troupeau de son gendre Chouaïb (S soit sur lui) avec sa célèbre canne après avoir épousé l'une de ses deux agréables filles. Jésus était aussi un grand berger. L'attachement de David et son fils Salomon pour les chevaux est légendaire.

 

Il dit aussi dans le hadith "chacun de vous est en vérité un berger et chaque berger est responsable de ce qu'il garde en recommandant de bien mener la mission. Il cita et fait référence notamment le père de famille, la mère, le gestionnaire, l'enseignant, l'élu et l'éleveur.   

Smail BOUDECHICHE


  


Femmes coraniques: (Chronique:  huit)


Khadija, l'épouse providentielle- trois

le choix judicieux 

 

 

Il était convoité comme un prince, vivant sous le toit de son oncle, le chef de Koraïch. De plus, Il était, selon des descriptions concordantes, beau, propre et élégant, avec un visage radieux, des pommettes roses, de beaux cheveux noirs, des yeux brillants noirs, des dents d'une blancheur très nette et bien arrangés. Il avait une belle voix, la plus belle jamais entendue selon le témoignage d'un compagnon qui l'avait écouté en récitant sourate Et-Tine lors d'une prière. Il n'était nullement attiré par la fortune de Khadidja. Mais il n'était pas ingrat non plus.


Ce mariage était en vérité voulu par la volonté divine dans la perspective des lendemains dont Dieu seul savaient les péripéties. La réalité est que le jeune Mohamed était plutôt attiré par les qualités de la dame que de sa fortune. C'était là qu'il voyait sa richesse. La femme qui lui donna l'essentiel de sa progéniture en lui faisant partager sa fortune, fut en effet d'un appui moral et matériel important lorsque vint la Révélation et lorsque la Hiérarchie koraichite lui tourna le dos. Elle est la première à le croire et à le soutenir sans faille, suivie des ses enfants.  

Une femme sûre et visionnaire

Le choix de Khadidja était mûrement réfléchi. Elle était mesurée, sûre, précautionneuse et visionnaire. Elle voyait en lui un homme d'un grand destin. Khadidja fut attirée à plusieurs reprises par le comportement du jeune Mohamed. Une fois quelle entendit parler de lui en tant que berger amine plein de baraqua qui avait fructifié le troupeau de son oncle et dont la Mecque en parlait. Une seconde fois, lorsqu'il confirma sa réputation d'amine et de providentiel en revenant avec de grands bénéfices de son voyage alors que peut-être elle craignait le pire.

 

Les signes annonciateurs comme les songes de Amina voyant une lumière sortir de son ventre et éclairer la terre jusqu'à la lointaine ville de Basra en terre perse et la baraqa du bébé et de l'ouverture de la poitrine de l'enfant de quatre ans par deux hommes vêtus de blanc, rapportés par son Halima, sa mère par le lait, n'étaient pas oubliés en étant répandus dans toute la région jusqu'à Médine. Ils s'étaient confirmés lors de ce voyage. En plus de la baraka du négoce, son accompagnateur Maïssara était témoin privilégié de nouveaux signes qui ne trompaient pas. Il avait vu comme son compagnon voyager sous le soleil en étant protégé par une ombrelle naturelle de nuage tout au long du voyage.

 

La vision du prêtre de Damas

 Près de Damas, un prêtre auquel Maissara rendait visite habituellement, avait remarqué à leur arrivée que le jeune Mohamed s'était dirigé directement pour s'assoir à l'ombre d'un arbre que seul le dernier des Prophètes le faisait. Le prêtre qui avait un savoir particulier sur la venue du dernier prophète sauveur annoncé dans les Ecritures, avait tant attendu cet évènement pour le voir se concrétiser. Il demanda alors à voir le dos de Mohamed en constatant avec surprise le sceau du dernier des Prophètes effectivement bien frappé.

 

Khadidja n'agissait pas seule. Elle consultait ses proches en ayant une confiance totale en son oncle maternel, le vieux Waraqa Ibn Noufel qui lui avait un savoir hérité des Ecritures non seulement prédisant la venue proche d'un Prophète sauveur de l'Humanité, mais donnant des signes de sa Prophétie comme le  sceau, la bénédiction, les miracles et la révélation avec la réapparition de l'Ange Gabriel. Il avait juré d'être le premier à croire en lui et à le suivre s'il venait à apparaître. Cela n'est pas l'oreille d'un sourd. Dès que le Prophète (S. et P. sur lui)

réfugié dans la grotte de Hira reçut pour la première l'Ange Gabriel, Khadidja se rappela les paroles de son oncle et fut la première à soutenir son mari.          

 

Amour sincère, propre et mutuellement partagé

Telles sont les conditions de ce rapprochement qui est loin d'être une conclusion d'affaire, mais plutôt l'aboutissement logique du suivi de cette dame du parcours du jeune Mohamed. Tout donc appelle donc à un coup de foudre entre une dame riche certes, mais avant tout digne, belle et mûre et un homme aux qualités intrinsèques, complet, honnête et sûr. Ce fut une rencontre bénie sur la base d'un amour propre, pur et sincère, qui donnera la plus belle des familles, une famille sacrée et unie pour toujours. A chaque évocation, chaque musulman doit prononcer la formule de prière pour que Dieu l'agrée.

 

Il rappelle par beaucoup d'endroits le récit de sidna Youcef, jeune,   beau et pieux et Zoulikha, âgée, mais soumis à son charme, à la différence que cette dernière était mariée et voulait entraîner Sidna Youcef dans le péché. Mais leur amour était sincère. Leur histoire se terminera par un mariage malgré la différence d'âge. L'amour du Prophète (P. et S.) et Khadidja était partagé et grandira au fur et à mesure des vicissitudes de la vie. De son vivant, il lui avait entièrement été fidèle. Ce n'est qu'après sa mort et une fois émigré qu'il se remaria. A la mort de Khadidja, survenue dans des moments difficiles de la Révélation à la Mecque, Allah pour consoler le Prophète (Prière et Salut soient sut lui) lui révéla justement sourate Youcef, porteuse de bonne nouvelle et d'espoir.

 

Seule la belle et adorable Aïcha réussira plus tard à la concurrencer et à la devancer même.  

 

Smail Boudechiche

(Chroniques parues dans le journal Liberté-Algérie- Mois ramadan 2010)

Retour à l'accueil